portraits permaculturels
Le Retour à la Terre
Un jour, en remplissant un panier de légumes, j’ai découvert la fleur permaculturelle. Ce n’était pas une plante.
Ce concept étend à tous les aspects de l’existence - finances, éducation, santé... - le fonctionnement d’un système agricole mimant la nature. Pour reproduire son équilibre parfait, diversité et résilience s’avèrent essentielles. C’est une philosophie de vie aux trois principes fondateurs : prendre soin de la Terre, prendre soin de l’humain, et partager
équitablement.
Je visualise cette fleur comme une boussole. Elle guide « Le Retour à la Terre »: un projet protéiforme, né de la fréquentation de producteurs engagés dans l’agro-écologie; et d’un attrait pour le portrait, rencontrer et raconter l’autre.
Propager l'émerveillement
« Le Retour à la Terre » se veut le média poétique d’une réalité, une chronique sur le quotidien d’humains connectés à la Terre, au « vivant », par leurs recherches, leurs réflexions, leurs choix et leurs sensations. À travers leurs portraits, je veux transmettre et propager l’émerveillement reçu en les observant vivre, et en les questionnant sur leur rapport à la nature. Cette envie identifiée, il lui a fallu des contours. Une trajectoire.
De qui allais-je faire le portrait?
Comment déterminer si une personne est connectée à la nature?
Que signifie être connecté à la nature?
Les principes de la permaculture en tête, j’ai établi des listes hétéroclites. Les personnes concernées devaient habiter les Pyrénées-Orientales, la province de Gérone ou l’île de Majorque. Ces endroits partagent une mer et une langue, la Méditerranée et le catalan. J’ai voulu parler de ces paysages et de leur histoire à travers leurs habitants.
Premier réflexe, très journalistique : s’adresser à des « sachants ». Des producteurs, des scientifiques.... Et puis, de recherches en prises de contact, laisser agir l’inspiration et l’heureux hasard.
Voilà comment j’ai rejoint un col de montagne à la frontière espagnole pour mener une interview, mangé un pesto de plantes sauvages, traversé les Baléares en ferry, touché des ruches grouillantes d’abeilles, développé un intérêt inattendu pour le plancton, dessiné du bio- plastique, observé une colonie de faucons, été subjuguée par une danse, médité sur un mot en sanskrit...
Chacune de ces rencontres m’a nourrie de son univers, et bousculée de questions. Faut-il être d’un endroit pour en parler? Respecte-t-on le vivant quand on le modifie? Comment cohabitent technologie et nature? Quelle est notre place dans le monde?
Détournement de QR code
La collecte des récits et le processus de fabrication a eu lieu du début de janvier à juin 2023. Le résultat est multimédia. D’abord, une illustration: mon interprétation de la personne sous forme de collage numérique de dessins et de photos d’expérimentations plastiques. Au niveau graphique, la végétation locale et « l’infiniment grand et petit », entendu plusieurs fois en interview, m’ont souvent inspirés.
Un QR code imprimé en trois dimensions s’y greffe. Il sert à accéder à l’ADN du portrait. Le scanner révèle une vidéo de la personne en action, se connectant avec le vivant. On entend des extraits de son interview, évoquant sa relation avec la nature.
J’ai trouvé intéressant de détourner un emblème technologique, descendant du commercial code-barre, pour exprimer l’humain et célébrer la nature. À l’origine et par définition en deux dimensions, le QR code transformé en objet densifie l’expérience en décuplant les sens du spectateur : voilà le regard focalisé par cette nouvelle dimension, guidé vers une découverte augmentée de la personne représentée et de son message. Cette vidéo, hébergée sur mon site internet, est aussi accessible via des moteurs de recherche.
Engagement
S’inspirer de la fleur de la permaculture pour créer conduit à s’engager, au maximum de ses moyens. « Prendre soin de la Terre, prendre soin de l’humain, et partager équitablement » ; «Diversité et résilience. ». Le processus de construction du « Retour à la Terre », même invisible, compte autant que le résultat final. La réflexion a concerné en premier lieu le choix des personnes interviewées. Leurs parcours devait résonner avec l’éthique du projet. Et puis, plus prosaïquement, les moyens techniques, comme les transports utilisés. Choisir d’aller à Majorque en bus et en ferry plutôt qu’en avion. Sélectionner pour les illustrations une entreprise d’impression locale, et labellisée pour ses efforts en faveur de l’environnement. Du bio-plastique pour les QR codes en 3D. Ces choix, toujours perfectibles, ont demandé plus de temps, de patience et d’investissement. Parfois, ils ont ralenti la réalisation du « Retour à la Terre ». J’ai trouvé dans ce rythme un espace supplémentaire pour accueillir l’émerveillement recherché.
Emeraude Zorer / Les Jolies Minutes